mardi 1 janvier 2013

Tous les genres du cinéma : le film d'aventure (Leçon 6)


Heroic Journeys : le cinéma des péripéties exotiques

par Patrick Brion (critique, historien du cinéma et programmateur du "cinéma de minuit" sur France 3).

Cinémathèque du Luxembourg

27 mars 2012


1. Des origines à nos jours

Bien que de multiples pays ont investi le genre (la France avec le film de cape et d'épée ; l'Italie avec le péplum), les Etats-Unis ont produit la plupart des chefs d'oeuvres du film d'aventure jusqu'à en faire un courant majeur du cinéma hollywoodien, aux côtés du western ou de la comédie musicale.

L'hypothèse de Patrick Brion est qu'à défaut d'avoir une longue histoire, l'Amérique s'est passionnée pour celle des autres pays au travers de leurs grandes figures historiques.

Le territoire du film d'aventure est très large puisqu'il englobe le western, la science-fiction, le film biblique (Les Dix Commandements, Samson et Dalila), le film d'horreur ou d'anticipation.

Le genre se caractérise par la présence centrale d'un héros, une action particulière, l'emploi de décors ou d'époques particuliers suggérant le dépaysement.


Avant tout, le film d'aventure repose sur les comédiens.

A l'époque du muet, l'icône du genre est Douglas Fairbanks qui incarne tous les grands héros de la littérature : D'Artagnan, Zorro, le Pirate Noir, Robin des bois...

L'avènement du parlant signera le déclin de Fairbanks.

Le genre continue de se développer en pleine crise économique des années 30, permettant aux spectateurs de s'évader par l'exotisme de ses films : Les Révoltés du Bounty, L'Île au Trésor, Tarzan, Les Trois Lanciers du Bengale...

Henry Hathaway et Cecil B DeMille sont les grands réalisateurs de cette époque et Eroll Flynn son acteur majeur.


Beaucoup de films d'aventure évoquent l'histoire, à l'instar de La Charge de la Brigade Légère de Michael Curtiz.

La Charge de la Brigade Légère est une désastreuse charge de cavalerie, dirigée par Lord Cardigan au cours de la bataille de Balaklava le 25 octobre 1854 lors de la guerre de Crimée. 
Elle est restée dans l'histoire comme le sujet d'un poème célèbre de Alfred Tennyson, dont les vers « Il n'y a pas de raison / il n'y a qu'à agir et mourir ».

La dernière scène, à la gloire des anglais, montre la charge vengeresse du 27e Lancier contre les Russes et Surat Khan.



Le film d'aventures est un genre de studio.

La MGM produit ainsi Les Mines du Roi Salomon, Le Prisonnier de Zenda, Scaramouche...

Scaramouche (1952) est un modèle des films d'aventure de l'époque, démontrant de grandes qualités techniques mais aussi de scénario et de dialogue.
Comme beaucoup de films du genre, il repose sur un roman dont l'adaptation au cinéma se révèle supérieur au texte original.

En 1953, l'avènement du cinémascope redonne un coup de fouet au film d'aventure avec des oeuvres comme Cléôpatre, Les Chevaliers de la Table Ronde, Les Mines du Roi Salomon...


Aujourd'hui, on peut retrouver des éléments du genre dans des films comme La Rose et la Flèche, la série des Conan le Barbare ou des Indiana Jones.

L'heroïc fantasy, qui connaît un fort succès, semble reprendre le flambeau du genre. 

On peut néanmoins déplorer la surenchère des effets spéciaux qui l'emporte sur l'écriture des films et la qualité des dialogues, au détriment d'une certaine émotion.


2. Le film d'aventure : un genre politique?


Le genre est constamment sous-estimé, glanant peu d'oscars, malgré un succès populaire constant.


Pourtant, contrairement aux apparences, le film d'aventure peut dévoiler un sous-texte politique, voire subversif.

Tout d'abord, le genre présenta l'avantage de contourner assez facilement les règles de censure imposées par le Code Hays (qui sévit de 1934 à 1966).

Ainsi, en prétextant la reconstitution historique ou la mise en scène des sauvages, le film d'aventure permettait de mettre en scène l'érotisme et la nudité des corps.

Il en est ainsi de Cleopatra (1934) de Cecil B. DeMille, de la série des Tarzan, ou des Révoltés du Bounty...




Contrairement au western et au film noir, le film d'aventure est considéré comme un film de "gauche", libéral dans le sens humaniste en illustrant l'action de rebelles contre une autorité despotique.

Nous sommes à l'époque hitlérienne et comme l'indique Bertrand Tavernier, "les cinéastes immigrés apportent au cinéma hollywoodien toute l'inquiétude de la Vieille Europe".

Ainsi, L'Aigle des Mers (1940), second film de pirates d'Eroll Flynn, établit un parallèle entre la tentative d'invasion par l'Espagne au XVIème siècle et la Bataille d'Angleterre de l'Allemagne nazie contre le Royaume-Uni en 1940.

De même, le discours final de la Reine, disant qu'il est du devoir des hommes libres de se battre et que
le monde n'appartient pas à un seul homme, visait directement le public britannique et critique la position des isolationnistes américains.

On voit comment le genre permettait de contourner la Loi américaine interdisant aux films de prendre position dans le conflit.


The Sea Hawk  |  Michael Curtiz  |  Errol Flynn  |  Brenda Marshall   | Movie Trailer | Review


Ivanohé (1952) de Richard Thorpe contient également une dimension critique contre l'antisémitisme ("Pour chaque Juif qui n'est pas un chrétien, je vous montrerai un chrétien qui n'est pas un chrétien") et le fanatisme religieux.
Jean Sans-Terre utilise ainsi la religion comme une arme de représailles en faisant faussement accuser Rebecca, fière beauté juive et soutien d'Ivanohé, de sorcellerie pour la condamner au bûcher.
Son projet sera contrarié par Ivanohé invoquant le Jugement de Dieu pour mettre en balance dans un duel, qu'il gagnera, le jugement prononcé.
Le retour de Richard Coeur de Lion de croisade met fin au règne tyrannique de son frère félon.





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