dimanche 23 décembre 2012

Tous les genres du cinéma : Le Western Spaghetti (Leçon 5)


Et pour quelques cadavres de plus : le Western Spaghetti

par Paul Lesch (assistant professeur associé en histoire du cinéma, Université du Luxembourg)
Cinémathèque du Luxembourg


27 février 2012



1. Le Western est partout


Qui dit genre dit stéréotype, cliché.

Le virevoltant (cette étrange plante en forme de boule qui roule sur le sol), le décor d'une ville du Far West à la fin du 19e, un duel au revolver, des habits de cow boys... il suffit d'un seul de ces éléments pour caractériser le Western.

Un cadrage expressif, des tronches pittoresques ou des bruitages prononcés... et nous voici du côté du Western Spaghetti.

Tous ces codes sont immédiatement reconnaissables et le western italien, mort à l'écran, survit toujours sous forme de citation dans la culture populaire : Bandes dessinées (Blueberry, Lucky Luke), jeu vidéo...

Le cinéma américain contemporain cite et parodie constamment le western de Leone (Back to the future 3, Face Off de John Woo...).

Tarantino est sans doute le plus grand fan de Leone et du western en général qu'il cite abondamment dans Kill Bill.

Ainsi dans Kill Bill 2, la séquence en noir et blanc illustrant la rencontre de The Bride avec Bill est une référence visuelle directe à la scène d'ouverture de The Searcher de John Ford.




La scène contient également une référence auditive au travail de Leone puisque la musique utilisée lorsque The Bride retrouve Bill est la même que celle jouée par le personnage de Serenza (Lee Van Cleef, la Brute) lors de sa première apparition dans Le Bon, la Brute et le Truand (Il Tramento d'Enio Morricone).


2. L'âge d'or du Western spaghetti

Plus de 450 Westerns Spaghetti ont été tournés entre 1963 et 1978.

La plupart sont de médiocres factures, seuls 10% d'entre eux peuvent être considérés comme des Quality Westerns.

Le maître du genre est incontestablement Sergio Leone.

Pourtant, les premiers européens à produire du Western Spaghetti sont les allemands avec la série des Winnetou (1962).
Adaptés des romans de Karl May, ces westerns mettent en scène les aventures de l'indien Apache Mescaleros, incarné par l'acteur français Pierre Wiss, entourés de comédiens américaines et anglais, et sont tournés en Yougoslavie.

Le grand succès de cette série créent les conditions économiques favorables au développement du Western en Europe, qui prennent le relais du péplum déclinant dans les studios italiens.

Après une grande série de navets, le premier film de Sergio Leone, Pour une poignée de dollars (1964), rencontre un succès commercial et critique inattendu.

Pour ce film, Leone a transposé dans le Far West un film de samouraï de Kurosawa (Yojimbo, 1961), inspiré du roman La Moisson Rouge de Dashiell Hammet (grand maître du roman noir américain) qui s'était lui-même inspiré d'un roman du XVIIIème siècle de Goldoni (Arlequin, serviteur de deux maîtres).

Les extraits suivants montrent à quel point le western de Leone est un remake du film japonais de Kurosawa.

La scène du cercueil :



Le Duel final :




Pour une poignée de dollars fait partie de la Trilogie du dollar, complétée par Et pour quelques dollars de plus (1965) et Le Bon, la Brute et le Truand (1966).

Leone réalise également Il était une fois dans l'Ouest (1968), avec Charles Bronson.
Tourné partiellement aux Etats-Unis à Monument Valley dans un paysage typiquement fordien, il peut être vu comme un pont entre le western spaghetti et américain.

L'âge d'or se clôt par Mon Nom est Personne de Tonino Valerii, ex-assistant de Leone.
Avec cette réflexion ludique sur le western italien, le genre commence à sombrer dans la décadence et l'auto-parodie, jusqu'à la série des Trinita dans les années 70.


3- L'héritage du western spaghetti

Le western spaghetti a longtemps été conspué pour son maniérisme, son goût pour le baroque et la violence de ses films par-rapport au genre noble du western américain.

Les inventions de Leone interviennent à la fois dans le décor, les formes (le plan, le montage, la musique) et le discours idéologique.


Le cadre du western spaghetti

Le western spaghetti ne met pas en scène de caravanes, de troupeaux, de fermiers, de diligences ou de cow-boys.

Le but n'est pas d'illustrer le mythe fondateur des origines de l'Ouest américain.

La mythologie du western classique disparaît au profit de symboles et d'accessoires portés par les personnages mus par leurs seuls intérêts égoïstes : gilet en mouton, poncho (porté par Eastwood pour cacher son allure fluette), longs manteaux et cigarillo...


Le Western spaghetti, genre cynique

Dans le western spaghetti, et contrairement à son ancêtre américain, la différence entre le bon et le méchant n'est jamais clairement établie.

Le Bon est simplement moins méchant que le grand méchant ; tout le monde est un peu bon, brute et truand.

Le héros est incarné par un mercenaire, mal rasé, violent, cynique et égoïste, par opposition au cow-boy chevaleresque du western classique.

Le matérialisme succède à l'idéalisme et au civisme.

La recherche d'argent ou la vengeance constituent les principales motivations des personnages.

Mystérieux et taciturne, le héros tue froidement ses opposants, ce qui était nouveau pour l'époque.
On tue sans remords, même un homme sans défense.

La violence est omniprésente à travers des exécutions sommaires, des pendaisons, le passage à tabac, voire la torture ornée de sadisme.

Parfois, au détour d'un scène, le héros peut faire preuve d'un peu d'humanité et de compassion.

Dans Le Bon, la Brute et le Truand, Eastwood offre son cigare et son manteau à un homme agonisant (à la fin de l'extrait ci-dessous) ou se prononce contre la Guerre de Sécession ("Je n'ai jamais vu mourir tant d'imbéciles, et si mal").
Les Indiens et les figures féminines sont quasiment absents, à quelques exceptions près où la femme représente l'espoir, le futur, la civilisation.


Une nouvelle esthétique

La musique joue un rôle central dans le genre, ce qui constitue une nouveauté pour le cinéma.

Quelques mots suffisent pour situer ou souligner une situation.

Les trois protagonistes du Bon, La Brute et le Truand ont chacun un bruit qui les distingue.

Le western spaghetti utilise de nombreux instruments originaux et est truffé de bruitages insolites mêlés de voix humaines.

Les 10 premières minutes d'Il était une fois dans l'Ouest sont ainsi constituées uniquement de bruitages amplifiés.




La cadrage se caractérise par une succession de gros plans et de plans très larges, voire panoramiques, illustrant les émotions des personnages.

Par-rapport au western classique, le genre italien repose beaucoup plus sur les gros plans qui insistent sur quantités de détails (les visages, le regard, le rictus, les armes, les vêtements) pour illustrer les motivations égoïstes des personnages.

Le western fordien met en valeur la majesté des paysages et englobe l'action de ses héros dans un grand tout mythologique d'une Conquête de l'Ouest qui apporte la civilisation dans un monde de sauvagerie par la pose du télégraphe, le développement du chemin de fer, la lutte contre les Indiens.

Dans le western spaghetti, l'espace est beaucoup plus fermé, le monde a déjà été entièrement envahi par les hommes. L'action des milices, de la révolution, des conflits collectifs et leurs conséquences dramatiques (Le Bon, la Brute et le Truand se déroule en pleine Guerre de Sécession et montre un camp de concentration nordiste évovcateur des camps nazis) sont bien présentes.

Le western italien met ainsi en scène la fin du mythe de l'Ouest américain et la naissance d'une Amérique moderne mue par l'affairisme, la corruption et les intérêts individuels.


Le montage aussi est marqué par de forts contrastes, alternant lenteur solennelle et séquances d'actions très rapides.

La séquence du duel à trois du Bon, La Brute et le Truand dans l'arène du cimetière est symbolique du genre. 

Au départ, le montage est lent. 
Le choix du cimetière est chargé d'ironie. Le plan est large.
La musique de la montre suspens le temps et l'action.
En quelques sorte, on mime par des poses caricaturales la geste chevaleresque du western classique.

On passe ensuite à un gros plan sur les pistolets, les tronches et les regards.
Les bruitages se succèdent, les gestes sont encore lents.

Enfin, l'image, centrée sur Eastwood, s'accélère avec la musique.
On passe au très gros plan et le duel se conclue.



Indéniablement, Leone a innové et modernisé le cinéma en général avec des motifs, des conventions et des codes qui se sont disséminées dans tout les films contemporains.

lundi 16 juillet 2012

Un week end à Colmar (avec des enfants et en été!)

Au coeur de l'Alsace, Colmar se prête bien à un week end qui plaira aux adultes et à leurs enfants.

Les promenades dans la vieille ville, à pied ou en barque ou en calèche, permettent de découvrir la grande richesse historique et architecturale de Colmar : maisons à colombages dont les célèbres Maisons des Têtes ou la Maison Pfister, les multiples églises, la Petite Venise...

Pour les enfants, on peut effectuer une rapide visite au petit Musée du Jouet et passer une grande après-midi au Centre de réintroduction des cigognes et des loutres en Europe, situé à 20 minutes de Colmar.

Ce dernier parc est très agréable, et permet de se promener au milieu des cigognes.
Les spectacles (repas des cigogneaux, démonstration des techniques de pêche en aquarium) sont réussis, de même que les itinéraires au travers du parc.
On ne se sent jamais oppressé par la foule, l'attente, la malbouffe ou le soleil et c'est plus intelligent qu'un parc Disney.









Colmar offre bien entendu divers plaisirs culinaires : les vins d'alsace, les flammkuchen, les biscuits...
Attention tout de même, s'agissant d'une ville touristique, les mauvais restaurants sont légion.
Pour notre part, nous avons savouré, à plusieurs reprises et toujours avec plaisirs, les mets du restaurant bio l'Arpège.



Pour résider, nous pouvons recommander le charmant hôtel Le Colombier, au coeur de la Petite Venise,  ou l'Hôtel Mercure Centre Unterlinden, situé à deux pas du musée Unterlinden, et qui propose des suites familiales fort pratique pour les enfants.



Bien entendu, il est indispensable de visiter le Musée Unterlinden et ses chef d'oeuvres de l'art rhénan du XVe et XVIe siècles.
La pièce-maîtresse du musée est le Retable d'Issenheim, d'une puissance expressionniste et d'une modernité étonnante.




A l'occasion de son 500e anniversaire, le Musée a choisi d'exposer un autre chef d'oeuvre avec le Décor d'Adel Abdessemed, hommage et prolongement contemporain du Retable.



Enfin, pour les infatiguables, les proches alentours de Colmar fourmillent d'itinéraires passionnants.

La Route des Vins permet de traverser les beaux villages de Kaysesberg, Turckheim, Munster..., de découvrir l'orgueilleux Château du Haut-Koenigsbourg...

samedi 14 juillet 2012

Décor // Adel Abdessemed


A l'occasion du 500ème anniversaire du Retable d'Issenheim, Adel Abdessemed expose pour la première fois en Europe son oeuvre Décor, en regard de la Crucifixion de Grünewald qui l'a directement inspirée.

L'alignement de sculptures tressées de fils barbelés figure la souffrance humaine dans notre monde et dégage des impressions contrastées.

Les christs aériens, d'une beauté formelle foudroyante, représentent des blocs de souffrance et de blessure béante en même temps que l'instrument de la torture.

La reproduction en 4 exemplaires casse le symbole de la trinité et s'oppose au personnage unique du panneau central dans l'oeuvre de Grünewald.

Abdessemed voit dans ses corps un décor au sens de l'arrière-plan devant lequel nous vivons.

Une oeuvre qui sublime et prolonge la puissance esthétique et la modernité du Retable d'Issenheim.


Decor // Abdessemed - Alignement

Decor // Abdessemed - Visage

Decor // Abdessemed - Pieds

Decor // Abdessemed - Main

Decor // Abdessemed - Christ

Decor // Abdessemed - Alignement 2

Decor // Abdessemed - Visage 2

Decor // Abdessemed - La Croix

Decor // Abdessemed - Détail

Decor // Abdessemed - Jambes

Decor // Abdessemed - Alignement 3

Decor // Abdessemed - Visage 3

Decor // Abdessemed - Visage 4

Decor // Abdessemed - Visage 5

Decor // Abdessemed - Visage 6

Decor // Abdessemed - Alignement 4

Decor // Abdessemed - Alignement 5

Retable d'Issenheim - La Crucifixion



Du 26 avril au 16 septembre 2012.

mardi 3 juillet 2012

Radio Soulwax


SOULWAX 'MACHINE' from Radio Soulwax on Vimeo.


Les sous-titres

Radio Soulwax

Tous les genres du cinéma : Le film fantastique (Leçon 8)


Horreur cadré, politique (du) hors-champ : le film d'épouvante

par Jean-Baptiste Thoret (enseignant à l'Université Paris VII, historien et critique de cinéma à Charlie Hebdo)

Cinémathèque du Luxembourg

28 mai 2011




1. Une analyse politique du film fantastique

Il existe deux approches pour aborder le genre du film fantastique : le point de vue esthétique ou l'approche politique.

Sur le plan esthétique, le film fantastique est un réservoir de motifs, de monstres et d'inventions formelles.
Les principaux représentants du genre sont américains dont Wes Craven, De Palma et surtout John Carpenter, ainsi que quelques européens comme Dario Argento, grand maître italien du Giallo, genre à la frontière du cinéma policier, du film d'horreur et de l'érotisme.


L'autre grille de lecture du genre, privilégié par Jean-Baptiste Thoret, est l'axe politique.


2. L'histoire du film fantastique aux Etats-Unis : une mise en perspective politique

Le film fantastique n'existe pas en tant que genre aux Etats-Unis où seul est connu l'horror movie, décliné en multiples sous genres (gothic horror, monster movie, slasher movie, zombie film...).

D'un genre périphérique, il est devenu un courant central de l'industrie cinématographique américaine depuis la sortie de L'Exorciste (1973), premier film d'horreur produit par un grand studio.

L'Exorciste

Selon l'orateur, le meilleur moyen de capter l'atmosphère de la société américaine est de visionner les films d'horreur réalisés à une époque donnée, à travers notamment la place laissée au champ et au hors-champ.

L'histoire du film fantastique aux Etats-Unis est ainsi marquée par plusieurs vagues.



Le cinéma fantastique américain démarre dans les années 30 avec l'adaptation par Universal Studio de classiques de la littérature mettant en scène des personnages horrifiques (les Universal Monsters) tels que Frankenstein de James Wahle, Dracula de Tod Browning ou Dr Jekyll et Mr Hyde de Rouben Mamoulian .

La joyeuse bande des Universal Monsters

Cette série intervient en pleine Dépression.

On peut y voir une tentative de divertir le public des affres de la crise mais aussi une incarnation des peurs collectives du moment.

Le monstre est clairement exposé en plein champ et positionné comme un être maléfique et distinct de l'humanité.

Dès la fin des années 30, bien que le cycle continue, on commence à parodier et à croiser les monstres, l'heure est venue d'un nouveau cycle.


Les années 40 : le champ du signe

Durant les années 40 intervient le second cycle avec les films de la RKO : La Féline (Cat People - 1942) de Jacques TourneurVaudou (I Walked with a Zombie - 1943) du même réalisateur et Le Récupérateur de cadavres (The Body Snatcher - 1945) de Robert Wise.

Le cinéma fantastique commence à jouer sur l'économie et l'élipse pour suggérer le monstre plutôt que de le surjouer comme dans les années 30.

On va même jusqu'à douter de la réalité du monstre, à se demander s'il ne provient pas d'un esprit paranoïaque, ainsi que le montre l'extrait de la piscine de La Féline.


La nature du hors champ commence à changer.

Auparavant, soit le monstre apparaissait, soit il n'apparaissait pas.

A partir des années 40, tous les acteurs essaie de le chasser du champ au hors-champ et il ne cesse de passer de l'un à l'autre.

Rester dans le champ, c'est être reconnu comme membre à part entière de la société américaine normale.

Mais le champ lui-même perd de sa superbe et de son assurance.

Toujours dans l'extrait de La Féline, le champ est flou, sombre, envahi par les bruits et les ombres du hors-champ : la frontière entre le champ et le hors-champ se réduit.

Dans le cinéma classique, ce qui était donné à voir dans le champ était immédiatement perceptible et compréhensible.

Les années 40 amorcent le virage de la modernité du cinéma fantastique en exigeant du spectateur un effort d'analyse, de déchiffrage et d'interprétation pour comprendre ce qui est donné à voir.

Quelque chose de l'ordre du hors champ (le caché, l'incompris) contamine le champ.


Les années 50 et 60 : Genèse du cinéma d'horreur moderne

Dans les années 50, la Hammer reprend les classiques du genre (Frankenstein, Dracula...) en version colorisée et révèle quelques sous-textes, notamment sexuels (la figure du vampire).

La période est surtout marquée par Psychose de Hitchcock, qui permet de passer du cinéma d'horreur classique vers le cinéma d'horreur moderne.

Le film accélère l'évolution du genre fantastique qui sur plusieurs décennies rapproche inexorablement le monstre du territoire américain.
L'alibi exotique du monstre (en provenance de Transylvanie ou de Mars) disparaît.
Désormais, le monstre ce n'est pas l'autre, c'est notre voisin, c'est nous-même.

Dans Psychose, Norman Bates a l'air normal et ne présente aucun attribut physique différent.

Norman Bates
Le champ englobe le hors champ quand Bates perd sa perruque et sa robe.

Le rapport dialectique champ / hors champ tombe après Psychose.

Le fait que l'"Autre" devient "soi-même" désactive la fonction du hors champ car l'"autre" ne vient plus d'ailleurs puisqu'il est "soi-même".

La séquence se termine avec Rosemary's Baby.
Le bébé de Rosemary contient l'Autre.



Le film est tourné en 1968 dans l'Amérique du Vietnam et de l'assassinat de Kennedy.

Le monstre vient des USA eux-mêmes, c'est l'ère du mal intérieur.


Les années 80 : l'invasion des morts-vivants ou le film d'horreur post-moderne

Initialement, le film d'horreur classique reposait sur le schéma suivant :

Moment 1 : le spectacle de la normalité

La petite ville américaine qui relit la ville idéale de Capra.

On retrouve d'ailleurs cette introduction dans des films tels que GreemlinsBlue Velvet de Lynch.

Ceux qui sont dans le cadre sont ceux qui ont le droit d'y être.

Moment 2 : le chaos

L'irruption du monstre met en danger le cadre et la communauté qu'elle abrite : c'est le chaos et le moment le plus long du film.

Moment 3 : retour à la normalité

On repousse le monstre du champ vers le hors champ et c'est réglé!


Comme nous l'avons vu précédemment, cette école classique du film d'horreur a été modernisée à travers les décennies par un nouveau rapport entre le champ et le hors champ et une normalisation de la figure du monstre.

De même, Serge Daney inverse la lecture classique du film d'horreur à travers le mobile du monstre.

Pour lui, le monstre n'est pas un perturbateur mais permet au contraire de reconstruire un ordre établi qui ne se portait pas si bien.

Il y a toujours d'imperceptibles fêlures, des germes de discordes, dans le modèle idéal du début du film que le monstre, relativement plus puissant, parvient à colmater en obligeant la communauté à se ressouder contre lui.

Daney attribue au monstre un rôle de moteur de désir du retour à la normale et assimile le film d'horreur à un sous-genre du film catastrophe (le monstre remplaçant un phénomène naturel destructeur).

Une nouvelle génération du film d'horreur, symbolisée par le film Dawn of the Dead (Zombie, 1978) de G. Romero, va aller jusqu'à casser la temporalité (normalité / chaos / normalité) du film d'horreur en ouvrant tout de suite sur le chaos, qui progresse tout au long du film.




A cet égard, on peut considérer Dawn of the Dead / Zombie comme le fondateur du film d'horreur post-moderne.

Filmé comme un documentaire, il lance le sous-genre du gore réaliste, résonance de l'enregistrement du meurtre de Kennedy (10 ans plus tôt) amplifié par les images de la Guerre du Viêtnam.

Le monstre endosse une nouvelle fonction, celle d'un agent "progressiste".

Dans la deuxième séquence, lors de l'attaque de l'immeuble, le chaos règne.

Zombie remet à la surface une histoire enterrée.

Au début du film, on est perdu, on se pose mille questions sur l'origine des zombies.

Le monde a perdu ses repères.

Le montage mal raccordé illustre cette confusion, on ne sait pas très bien qui combat qui.

Romero fait intervenir toutes les minorités à l'heure du combat.

Aux forces de l'ordre (policiers? armée?) fait face un immeuble, qui semble squatté par des noirs, et d'où surgissent des révolutionnaires latinos de pacotilles et, enfin, apparaissent les zombies.

Ce n'est évidemment pas un hasard si on les découvre après cette séquence : les zombies sont une résultante, une métaphore des minorités.

C'est aussi le refoulé, le retour de l'ombre des Indiens massacrés (comme dans Shining et son hôtel construit sur un cimetière indien). 

On s'enfonce dans la profondeur du champ pour trouver le monstre.

Le hors champ ne joue plus aucun rôle.

Fin de l'histoire.


Jean-Baptiste Thoret est un en seignant, historien et critique cinématographique spécialiste du Nouvel Hollywood, du cinéma italien des années 70 et des réalisateurs de genre comme John Carpenter, Dario Argento, Tobe Hooper et George A. Romero. Co-rédacteur en chef des revues Simulacres de 1999 à 2003 et Panic depuis 2005, il collabore aux émissions de radio Mauvais genres et Tout arrive! sur France culture et tient une rubrique cinéma dans l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo. Il a contribué, seul ou en co-direction, à plusieurs ouvrages dont : Mythes et Masques : Les fantômes de John Carpenter, Dreamland (prix de la Cinémathèque Française pour le meilleur ouvrage critique français de l'année), 1998 ; 26 secondes : L'Amérique éclaboussée. L'assassinat de JFK et le cinéma américain, Rouge profond, (prix 2003 du Syndicat français de la critique de cinéma, meilleur essai) ; Le Cinéma américain des années 70, Cahiers du cinéma, 2006 ; Politique des zombies, l'Amérique selon Romero, Ellipses, 2007.

dimanche 13 mai 2012

Boomtown // Générique


Boomtown, série policière du début des années 2000 située à Los Angeles, propose un générique des plus brillants, à l'instar de la série elle-même.

Profond et sophistiqué, le thème démarre par une reconstitution en image de synthèse de Los Angeles, suivie d'une présentation des acteurs principaux de la série, enchevêtrés d'images d'archives marquantes de l'histoire policière de la ville : les émeutes de Watts, un discours de Bob Kennedy avant son assassinat, la poursuite en voiture d'O.J. Simpson...

Le tout est bien réalisé, avec une succession de ralenti-accéléré et de panoramiques, et un thème musical brillant.

Ce générique restitue parfaitement le climax de la série qui présente à chaque épisode une enquête criminelle vue sous les différents angles subjectifs des personnages principaux, aux intérêts souvent divergents : des policiers, un substitut du procureur, une secouriste des urgences, une journaliste...

mercredi 2 mai 2012

Art Paris Art Fair 2012



Bonne édition 2012 pour la foire Art Paris Art Fair cette année.

Lasse de sa réputation de Poulidor de la FIAC, Art Paris a misé sur la diversité avec 120 galeries présentes, dont des représentants de la Hongrie, de la Croatie ou de la Finlande, et une place pour le design contemporain (Galerie Slott, Paris).

A noter cette année une forte présence de la photographie, beaucoup de portraits, et une quasi disparition de la vidéo.

Opération réussie dont voici quelques extraits.


Les images compressées et superposées de Georg Kuttinger (Galerie Pascal Janssens, Gand).








Les acryliques oniriques de l'australienne Abie loy Kemarre (Galerie Stéphane Jacob, Paris).




Les lutteurs lumineux de Denis Rouvre, déjà vus à la Maison Européenne de la Photographie.












Les portraits de Martin Schoeller.











Les Mythes de RANKIN & Damien Hirst.






Un peu de Combas...



Le Magic Man de Baltazar Torres et (Galerie Mario Mauroner, Salzburg).




How deep is your love de Carlos Aires.





Les scènes de la photographe coréenne In Sook Kim.







Toujours l'Asie, avec la Bureaucratic Beauty de Rosfer & Shaokun ou les shanshi numériques de Yang Yongliang.





Les sculptures organiques de Rabi Georges (Clair Galerie).