samedi 27 février 2010

Yang Yongliang



Dès son plus jeune âge, Yang Yongliang a étudié la peinture traditionnelle chinoise et la calligraphie auprès du grand maitre Yang Yang à Shanghai.
Utilisant le medium de la photographie et inspiré par la culture ancestrale et les fameux Shanshui, ces paysages de montagnes calligraphiés par les plus grands artistes classiques depuis plus d’un millénaire, il crée de toute pièce un nouveau monde d’illusions, une vision
entre rêve et cauchemar, à la fois futuriste et séculaire.

Mais le travail de Yang Yongliang dépasse la notion de pastiche, cette oeuvre, par sa finesse, par sa texture, devient un shanshui photographique.
L’usage des longs rouleaux panoramiques, l’impression sur papier coton, le jeu sur les détails et les effets d’échelle, l’apposition de sceaux classiques a l’encre rouge, le tout composé en noir et blanc comme à l’encre de Chine, font de l’oeuvre de Yang Yongliang le renouveau contemporain du shanshui.
Lorsque l’on regarde l’oeuvre à distance, elle relève de la calligraphie aux paysages embrumés et paradisiaques des temps anciens mais en s’approchant, on s’aperçoit que l’imagerie urbaine contemporaine est omniprésente.
Comme ses illustres ancêtres, Yang Yongliang privilégie la composition pour masquer de prime abord le contenu ; ce paysage chaotique fourmillant non plus d’arbres centenaires, de cascades, de pavillons et autres montagnes sacrées, mais de pylônes électriques, de gratte-ciel et d’embouteillages.
Séduisantes par leur beauté et leur dynamisme, ses mégalopoles en forme de champignons atomiques ne sont pas anodines alors même que Shanghai, sa ville natale, - ville champignon par excellence, a vu sa population quintupler en l’espace
de 40 ans…

Entre réalité sublimée et composition fictionnelle, les sublimes et visionnaires photographies de Yang Yongliang nous dérangent, nous plongeant dans l’enfer fictif de ces cités verticales, tentaculaires constituées de grues et d’échangeurs d’autoroutes, qu’on imagine grossissant a un rythme infernal et qu’il aime à nommer lui-même, non sans ironie les « Cités Célestes » …
Est-ce là notre futur ?

(Extrait du site de la Galerie Paris-Beijing)

Heavenly City

Yang Yongliang

 

25 février - 10 avril 2010

Galerie Paris-Beijing (Paris)



samedi 20 février 2010

Cortex (Nicolas Boukhrief)


Charles Boyer, commissaire à la retraite, commence à perdre la mémoire. Afin de ne pas devenir une charge pour ses proches, il décide d'entrer à la Résidence, un établissement spécialisé dans le traitement de la maladie d'Alzheimer. Il s'adapte bien à son nouvel environnement mais des patients meurent… trop vite selon Charles. Rattrapé par son instinct de flic, il est persuadé qu'on les a tués. En s'accrochant aux bribes de sa mémoire défaillante, Charles mène l'enquête la plus essentielle et la plus difficile de sa vie…


La critique a beaucoup reproché à ce petit polar français son rythme engourdi, à l'image du cerveau de son personnage central.

Je dois dire que je ne partage pas cet avis et que je n'ai ressenti aucun ennui à la vision de Cortex.

La mise en scène sobre de Nicolas Boukhrief et l'action lente laissent apparaître le climat d'"inquiétante étrangeté" infusée par la clinique et son personnel soignant.

L'intrigue policière apparaît vite comme un prétexte à la résistance d'un homme contre la reddition mentale et l'apitoiement (on rigole pas mal à la vision de ce film).

Dussolier est émouvant et crédible dans un rôle pas évident.

Film français (2008) de Nicolas Boukhrief avec André Dussolier, Marthe Keller, Julien Boisselier. (1 h 45)

Bande annonce :


Cortex
Bande annonce vf publié par CineMovies.fr - Les sorties ciné en vidéo


http://www.cortexlefilm.com/

Berlinale 2010

Au programme de la 60eme Berlinale : l'Asie, les derniers opus de Scorsese (Shutter Island) et Polanski (The Ghost Writer), le retour du Dogme (Submarino de Vinterberg) et un seul film français en compétition (Mammuth de Kervern et Delépine).

L'intro de Sotinel.

Le journal de bord sur Arte.

Shutter Island :




bande annonce par Filmtrailer.com


The Ghost Writer :

mercredi 17 février 2010

A simple plan (Sam Raimi)


Sam Raimi aime explorer le film de genre.

En l’espace de 30 ans, il s’est déjà essayé au film d’horreur (la trilogie Evil Dead), aux épopées super-héroïques (Darkman et la plutôt réussie trilogie Spider Man) et même au western avec Mort ou Vif.

Difficile de réussir toutes ces incursions dans des genres aussi différents, comme le montre le ratage de Mort ou Vif, western prétentieux et soporifique, qui parvint même à rendre mauvais Gene Hackman dans un rôle de méchant pourtant taillé sur mesure (et aussi Sharon Stone, mais on y est plus habitué).

C’est donc avec une certaine appréhension que je m’apprêtais à visionner une rediffusion de A Simple Plan sur Be TV.

Je ne fus pas déçu, quelle réussite !

Comme signalé par le titre, l’histoire est simple : dans un Minnesota enneigé, trois hommes ordinaires découvrent par hasard un magot égaré et décident de se l’approprier en secret.

S’ensuit une spirale infernale de meurtres, de trahisons, de confessions familiales et conjugales déchirantes, pour un bien piètre résultat…

Le film pose la question classique du poids des principes moraux face à la tentation de l’argent facile dans le pays du rêve américain.

Inexorablement, la rapacité des personnages balaie toute barrière morale et le crime et le mensonge s’approchent de plus en plus de nos apprentis malfaiteurs.

Le scénario renverse les âmes et les rôles.

Hank, sous ses allures de gendre idéal, pilier moral et intellectuel de la bande, sacrifiera tout sur l’autel de ses intérêts égoïstes.

Son frère Jacob, présenté comme un demi-attardé mental, dévoilera au fil de l’intrigue un sens moral et un esprit d’observation étonnant et finira comme le seul à conserver un peu de compassion et de lucidité sur les actes commis par la bande.

Les acteurs, époustouflants, déploient tous les registres.

Billy Bob Thornton (Jacob), méconnaissable et enlaidi, est bouleversant dans son second rôle de frère éternel perdant.

Bill Paxton (Hank) est parfait dans sa composition d’un américain moyen qui parvient à garder son calme dans les pires situations, qui va jusqu’au bout de sa logique immorale en n’hésitant jamais à manipuler son entourage.

La palme revient à Bridget Fonda, qui joue l’épouse de Hank.
Figure maternelle pleine de douceur au début du film, c’est elle qui doute le plus dans les premiers instants avant de basculer plus que tout autre dans une rapacité froide mais néanmoins rageuse et implacable.

La scène où, sur son lit de maternité, elle dicte à Hank la façon de se débarrasser de Lou (le 3eme comparse de la bande devenu gênant), dans un gros plan sur son visage enfantin, les yeux fixant l’horizon, embués de folie et de détermination, est purement mémorable.

Le décor s’impose comme un personnage central avec un Minnesota hors du temps qui présente, comme Hank, les apparences trompeuses d’un lieu vierge de toute tentation.

Mais la neige, blanche et immaculée, qui illumine les décors, cache aussi les indices des forfaits et symbolise le voile de pureté apparente jeté sur les consciences.

L’avion écrasé dans la forêt qui recèle le trésor, fait l’office d’une boîte de Pandore diabolique, escorté d’une armada de corbeaux annonciateurs des malheurs à venir.

Une parfaite maîtrise du cadre, des dialogues ciselés (en l’occurrence parfaitement traduit en français), la musique mélancolique de Danny Elfman parachèvent ce beau tableau.

Film américain de Sam Raimi avec Bill Paxton, Billy Bob Thornton, Bridget Fonda. (121 mn.)

Bande annonce :

Un plan simple
Bande annonce vost publié par CineMovies.fr - Les sorties ciné en vidéo

mardi 16 février 2010

Vu au cinéma : Avatar


Jake Sully est un homme brisé. Ex-marine devenu paraplégique, ce combattant se voit offrir une seconde chance lorsqu'on lui propose de prendre la suite de son défunt jumeau, un scientifique envoyé sur la lune Pandora grâce aux financements d'un puissant consortium qui exploite sur place un précieux minerai.
Moyennant un généreux salaire qui lui permettra de soigner son handicap, Jake devra explorer les jungles hostiles de Pandora en projetant son esprit dans l'avatar qui était destiné à son frère. Ces avatars, permettant d'affronter plus aisément l'hostile planète tout en facilitant une mission de pacification, sont d'onéreux hybrides nés du croisement ADN entre les Terriens et les Na'vis, une race d'autochtones humanoïdes. Mais entre la mission scientifique héritée de son frère, et son attachement aux valeurs martiales qui menacent de dominer la colonisation humaine, Jake va devoir faire un choix.


Que dire d’Avatar ?

Ce fut mon premier film vu en 3D, c’est donc un évènement à l’échelle de ma petite vie culturelle.

Le rendu de la 3D est certes impressionnant et convient bien à un film d’action qui vaut essentiellement pour ses batailles et le spectacle d’un nouveau monde exubérant tant par sa géographie (montagnes volantes, cascades et jungle luxuriante) que sa faune (ptéranodons hystériques et tricératops relookés) ou sa flore (arbres géants, saules télépathes…).

On retrouve le goût de James Cameron pour les univers saturés de détails, limite kitsch, ce qui donne vite le tournis avec une couche de 3D, tant le regard ne sait plus où se fixer (sans parler des effets de flou ajoutés par la réalisation…).

La 3D constitue surtout un nouveau pas dans la jonction entre le cinéma et le jeu vidéo, on s’imagine déjà pilotant un exo-squelette ou tirant des flèches sur les héliporteurs…

Avec la technologie de l’avatar, qui permet au héros handicapé de se projeter dans le corps d’un agile humanoïde Na'vi, on dépasse le stade de la métaphore.

On est dans la glorification pure du jeu vidéo qui permet d’habiter le corps de n’importe quel super-héros, super-soldat, super-sportif, ce qui nécessiterait des décennies d’entraînement dans le monde réel…

Lorsque les indigènes Na'vi se connectent par l’extrémité d’une natte filandreuse aux arbres télépathes ou aux animaux télécommandés, on pense à eXistenZ de Cronenberg, où les personnages se branchaient via un cordon ombilical à une console de jeu biologique, et qui jouaient déjà avec les inversions du réel et du virtuel.

Sur Pandora, tout est interconnecté : les arbres, les N’avi, les animaux. On est dans la métaphore du réseau, d’un Massive Multiplayer RPG à l’échelle d’une planète.

Au final, le héros ne sait plus si sa vraie vie est dans le réel/réel ou dans le réel/virtuel de son avatar, si bien qu’il choisira de basculer définitivement dans son double.

Le virtuel est meilleur et plus fort que le réel.

Le scénario quant à lui, qui ne brille pas par son originalité, et défend une morale consensuelle écolo-guévariste de résistance à l’uniformisation imposée par les méchants capitalistes.

Petite anecdote, j’ai été frappé de la proximité de l’univers cameronien avec la BD Aquablue : les personnages (les humanoïdes Na'vi, les Marines yankees et leur technologie (exo-squelette)) et le scénario (l’invasion d’un monde idyllique par une colonie minière, l’élu humain qui s’allie aux indigènes pour contrer l’offensive humaine, la contre-attaque de la Nature…) ressemblent à s’y méprendre à l’épopée aquatique de Cailleteau et Vatine. Mais bon, je doute que Cameron trouve le temps de lire Aquablue

Pour conclure, ce qui est vrai pour les personnages (le virtuel est plus fort que le réel) n’est pas certain pour le spectateur.

On ressent peu d’émotions à la vision de ce péplum numérisé. Quelques jours plus tard, il ne reste plus grand-chose du choc initial.

En matière de cinéma, le réel encore le plus fort.

Film américain de James Cameron avec Sam Worthington, Sigourney Weaver, Zoe Saldana. (2 h 41.)

Bande annonce :



bande annonce par Filmtrailer.com

http://www.avatarmovie.com/

dimanche 14 février 2010

Brugeas - Toulhoat // Block 109


Après avoir détruit l’Occident, le IIIe Reich agonise à son tour sous les coups de l’Armée Rouge. Pour Zytek, le maître de l’Allemagne, il ne reste qu’une seule solution: une attaque virale majeure.
Malgré le refus du Haut Conseil, le virus provoque déjà des ravages dans les ruines de Marienburg. Les contaminés, transformés en monstres sanguinaires, s’attaquent aux soldats isolés des deux camps. Seule l’escouade du sergent Steiner parvient à s’échapper d’une funeste rencontre.
Ce dernier et ses camarades sont-ils la dernière chance de l’humanité ? Et quel est véritablement l’objectif de Zytek, l’omnipotent seigneur du Reich ?


Voici une excellente bande dessinée que l'on lit d'une traite.

La victoire du IIIe Reich, l'assassinat d'Hitler et la guerre de succession qui s'ensuit, le maintien d'un front éternel contre l'Armée Rouge, constituent un riche terreau scénaristique.

Block 109 raconte avant tout une histoire de guerre qui relate du point de vue nazi l'affrontement entre Allemands et Russes sur le front de l'Est. En parallèle, les intrigues politiques se succèdent à Berlin, rythmées par les complots, la constitution d'alliances précaires et d'incessantes trahisons...

Le scénario négocie un habile virage vers le fantastique lorsque l'impitoyable Zytek libère ses "Cavaliers de l'Apocalypse".

Le dessin évoque les premiers Bilal. Des coloris à dominante grise, rehaussés de quelques touches de couleurs, renforcent le sentiment de désespoir inspiré par ce monde ravagé.

Une mise en scène soignée, très cinématographique, attentive au maintien du suspense, nous amène irrésistiblement jusqu'à un final apocalyptique

En outre, la vacuité du régime totalitaire est implacablement dénoncée. Malgré la réalisation des objectifs hitlériens (destruction totale des puissances de l'Ouest, extermination des Juifs...), les nazis n'en finissent pas d'entretenir la guerre pour la guerre, seul moyen pour eux de maintenir leur pouvoir et leur écrasante main-mise sur l'Europe...

Il n'y a vraiment rien à reprocher à ce premier album de Brugeas (scenario) et Toulhoat (dessin), dont on suivra avec attention les prochaines réalisations.

Laissez vous tenter par Carré d'As, spin-off horrifique dévoilant le style (quoique plus coloré que l'album), et une partie du scénario de Block 109, de même que la bande-annonce de l'album :

samedi 6 février 2010

Vu à la TV : Martyrs


Il y a des films qui marquent la mémoire au fer rouge.

Des films qu’on ne peut s’empêcher de visionner jusqu’à leur terme même si leur spectacle est insoutenable.

C’est peu de dire que Martyrs appartient à cette sympathique famille.

Martyrs est littéralement conçu pour ligoter le spectateur, l'obliger à accompagner jusqu'à la dernière minute l'escalade de l'horreur.

Tout d'abord, l'on est déstabilisé par un film qui est toujours là où on ne l'attend pas, passant sans cesse d'un genre à l'autre (horreur, thriller, mélodrame, fantastique...), évacuant des personnages principaux qui cèdent brutalement leur place - peu enviables - à d'autres, inversant les rôles de bourreaux et de suppliciés...

Les lieux renferment de sombres couloirs menant à des pièces secrètes qui conduisent à un complot...

A plusieurs reprises, on croit que le film est arrivé à son terme, qu’on a atteint le stade ultime de la violence, avant que ne démarre une nouvelle histoire, que le gore ne franchisse un nouveau stade… pour finalement déboucher sur une question métaphysique laissée sans réponse...

Sur la forme, Pascal Laugier a choisi un style ultra-réaliste : caméra à l'épaule, montage frénétique ; on ne nous épargne rien des tortures subies par le protagoniste (crânes pulvérisés, gros plan sur des lacérations au cutter, marres de sang...).

Cette impression de réalité renforce les mécanismes d'identification aux personnages, associe le spectateur à leurs souffrances et limite ainsi toute capacité de distance.

A cet égard, comme le rapportait Tecknikart (n°125, page 103), Pascal Laugier est bien l’anti Haneke.

Puisque Martyrs est aussi un thriller, le suspense est très bien géré : la question obsédante du mobile des bourreaux tend toute la vision du film.

Mais lorsque ce mobile apparent est découvert, le film se poursuit, on comprend qu'il ne s'agissait que d'un prétexte. Que la question, comme la quête métaphysique des bourreaux ne peut que rester sans réponse.

Comme tout film d'horreur, Martyrs est bien une métaphore, aux frontières de l'expérimental, qui questionne son époque (la fin des utopies, les rapports de domination, la souffrance des perdants, le sens d'une violence perpétuelle qui se nourrit d'elle même...) et la complaisance du regard du spectateur.

Enfin, il faut souligner l'interprétation des actrices et le travail remarquable du maquillage et effets spéciaux.

Impressionnant!

Date de sortie : 3 septembre 2008
Réalisé par Pascal Laugier
Film français
Avec Mylene Jampanoï, Morjana Alaoui
Durée : 1h40min
Titre original : Martyrs
Bande annonce :

Comme Au Cinema